Optimisez l’utilisation de l’espace disponible

Utilisation de l'espace

Arrêtez immédiatement l’appropriation de l’espace ouvert (« stop au béton » en Flandre) et réduisez dans le même temps l’empreinte spatiale de l’homme (recentrage urbain, densification, débetonnement,) et activez immédiatement les instruments nécessaires à cette fin. 

Afin de garantir un service public viable et abordable (équipements d’utilité publique, transports publics, etc.) en combinaison avec l’expansion de l’espace dévolu à la nature, une série de mesures est nécessaire.

Interdisez l’utilisation d’espaces ouverts dans des endroits mal situés en termes de valeur liée à la présence de point nœud et d’équipements (cf. par exemple la Carte avec la valeur liée à la présence de points nœuds du VITO[1]). Réduisez l’espace dévolu à l’homme et à ses activités. Démolissez des bâtiments inutilisés situés en périphérie, interdisez de changer la destination de bâtiments non conformes à la destination de la zone situés en zones naturelles ou en zones agricoles. Démolissez les pavages et les revêtements en dur inutiles et rétrécissez les profils trop larges.  Élaborez des scénarios de suppression des quartiers périphériques délabrés et l’urbanisation en rubans. Négociez ou échangez des droits de construction et ne payez pas de dommages résultant de la planification spatiale si le terrain en question n’est de facto que peu aménageable (en raison d’une offre excédentaire, d’une zone d’alerte en matière d’inondation, etc.).

L’agriculture devra également améliorer son empreinte spatiale. En fonction de l’emplacement, redonnez l’espace libéré à la nature, à l’eau ou aux zones vertes du quartier. Adaptez le financement communal afin que les communes soient également récompensées pour la création de plus de nature et d’espaces ouverts ou leur préservation. Cela suppose également l’adoption d’une approche proactive en vue de la réutilisation ou du remplacement des locaux inoccupés dans les centres et les zones artisanales au lieu d’utiliser l’espace libre pour construire de nouveaux bâtiments. Cela s’applique à tous les domaines politiques et programmes architecturaux : logement, industrie, commerce, etc.

Une densité plus élevée et un recentrage urbain sont des conditions nécessaires pour redonner place à la nature, à la biodiversité et aux services liés à la nature tels que la retenue des eaux ou sa fonction de tampon climatique. Des centres urbains plus habitables entourés de plus de verdure fourniront une meilleure assise pour la classe moyenne et le commerce. Cela réduira également les besoins de mobilité (c’est-à-dire moins de consommation d’énergie et d’émissions), les embouteillages, le nombre d’accidents mortels et les émissions de particules, ainsi que l’efficacité des transports publics qui peuvent desservir plus de passagers plus fréquemment et avec moins d’arrêts.  La proximité au sein d’une communauté présente également des avantages socioculturels et économiques.   Les effets bénéfiques commencent immédiatement et augmentent à long terme. 

Une étude récente de VITO a calculé qu’un « stop au béton » immédiat en Flandre rapporte au moins 1,7 milliard par an. 

  • Mémorandum de l’Association des villes et communes de Flandre (VVSG) à l’attention du gouvernement, p.28 art. 1er[2]
    Utilisez les chambres de qualité des intercommunales, qui ont été récemment créées, pour aider les autorités locales à soutenir ces processus.
  • Étude Dépt. Environnement & VITO sur les frais de l’étalement urbain.[3]

Développez des modèles d’échange et de redistribution des droits privés et publics

Veillez à disposer d’instruments flexibles, pratiques et rapidement applicables pour l’échange, la négociation et le transfert de droits de construction. En Flandre, par exemple, certains de ces instruments sont déjà prévus dans le plan de politique spatial flamand et dans le décret sur les instruments. Ils doivent être approuvés d’urgence.

Les droits fonciers négociables, y compris la législation actuelle et future, sont complexes et ne faciliteront pas une transition rapide.    Il arrive souvent que les arguments en faveur d’une certaine transaction, bien que soutenus par toutes les parties prenantes, ne parviennent pas à aller de l’avant en raison d’un passage kafkaïen à travers  législation. Par exemple, le rapport d’ incidences environnementales, toujours plus souvent imposé, a ainsi arrêté  in extremis l’introduction du « stop au béton » en Flandre. Tant que la législation n’aura pas été adaptée, et afin d’intégrer une vision progressive dans la transition, la création d’une chambre de qualité pourrait apporter une solution dans ce cadre. C’est pourquoi nous recommandons la création d’une chambre de qualité qui a le droit d’autoriser des exceptions dans le cadre de l’échange et de la négociation de droits fonciers si l’intérêt général - comme les aspects du climat et de la durabilité - en bénéficie. Aucune réglementation ne couvre tous les aspects. Aujourd’hui, il arrive trop souvent de devoir réviser les réglementations alors que cela pourrait être évité en accordant des dérogations structurelles, mais seulement si la solution de remplacement répond mieux aux intentions et si cela est confirmé par la chambre de qualité des experts.

Un exemple en Flandre : si une commune supprime les droits de construction privés en périphérie, elle devra aujourd’hui à cet effet s’acquitter de dommages résultant de la planification spatiale. Si elle entend en échange densifier son centre sur des terrains qui lui appartiennent, elle doit pour cela payer une taxe sur les bénéfices de la planification spatiale. Autrement dit, elle devrait donc payer deux fois, alors que la logique même veut que la commune puisse effectivement utiliser les bénéfices de son propre terrain au centre pour compenser les dommages liés à la planification spatiale dans la zone périphérique.

Les formes traditionnelles de gestion de la propriété foncière et des droits de construction ne sont pas en mesure de soutenir les transitions rapides dont nous avons besoin aujourd’hui. La création de plus d’espaces verts et d’espaces dévolus à l’eau, le décloisonnement et le débetonnement, la densification et le recentrage urbain ne peuvent réussir tant que la majorité des droits de construction qui reposent sur des emplacements suburbains inadéquats ne peuvent être déplacés. Par ailleurs, l’échange et la négociabilité des droits de construction limitent dans une large mesure les frais à charge des autorités (dommages liés à la planification spatiale) associés à la densification.

Si, par exemple, dans le cadre de l’occupation des terres existante en Flandre, nous augmentons la densité à une moyenne de 1 800 habitants par km² (soit la densité du Royaume-Uni), il y a de la place pour plus de 9 millions d’habitants en Flandre. La Flandre compte aujourd’hui 6,444 millions d’habitants. Autrement dit, dans le cadre de l’occupation des terres existante, nous avons encore une capacité de plus de 2,50 millions d’habitants supplémentaires. Cependant, selon les prévisions, un maximum de 1,20 million d’habitants supplémentaires s’ajoutera avant que la population ne commence à diminuer d’ici 2080 à 2090. Cela signifie qu’un « stop au béton » peut en effet prendre effet immédiatement et que l’occupation des terres actuelle est plus que suffisante pour répondre à la croissance démographique attendue. Une autre conclusion – très rassurante – est que nous n’aurons, dans une large mesure, pas besoin des zones résidentielles non encore construites et des zones d’expansion résidentielle existantes. Qui plus est, si nous y appliquons une densité de 50 logements par hectare, cela donnerait de la place pour 6 millions d’habitants supplémentaires. Par conséquent, il y a donc une offre pléthorique de terrains, dont la majorité n’accueillera jamais de construction. Cette observation réduit considérablement le problème des dommages liés à la planification spatiale et de l’indemnisation des droits de construction à la valeur « vénale », car, compte tenu de l'association d'une offre excédentaire et d'une demande très faible, le prix du marché sera toujours au plus bas.

Un bon exemple de droits négociables est celui des « droits aériens » qui s’appliquent aux gratte-ciels aux États-Unis. Afin d’éviter qu’une rue ne devienne un sombre « canyon » de tours attenantes (il suffit de penser à la digue de la Côte belge), un certain nombre de parcelles entourant les tours doivent présenter une faible hauteur afin que l’espace public reçoive suffisamment de lumière du jour. Ces parcelles adjacentes sont payées par l’investisseur qui est autorisé à construire l’immeuble et qui paie ainsi ses voisins pour les droits aériens qu’il est autorisé à exercer.

Liez le coût des routes et de l’infrastructure à l’emplacement

Créez des mécanismes qui répercutent les coûts excessifs des routes, des infrastructures, des équipements d’utilité publique, des lignes électriques, du réseau d’évacuation des eaux usées, de l’approvisionnement en eau, de la téléphonie et des communications (coûts causés par la faible densité et la situation périphérique suburbaine) sur les usagers ou les investisseurs qui y possèdent des bâtiments ou des terrains. Introduisez progressivement ces mécanismes (primes, impôts, etc.) afin que les gens puissent s’adapter à temps et fournir d’autres solutions nécessaires.

Une étude récente réalisée par VITO pour le Département Environnement[4] a montré qu’en Flandre, un site périphérique coûte parfois jusqu’à 20 fois plus cher en termes d’infrastructure pour un certain facteur d’équipement qu’un bien situé dans un centre. Cela entraîne non seulement des coûts très élevés pour les autorités, mais aussi une consommation d’énergie, des émissions, des déchets, etc.

En permettant cette différenciation, il est possible, dans le même temps, d’économiser beaucoup sur les dépenses publiques et d’accélérer la transition vers une politique du logement et de la mobilité respectueuse du climat et durable. 

Établissez des taxes et des primes en fonction de l’emplacement, récompensez la politique et le comportement durables en matière d’aménagement du territoire

La révision des revenus cadastraux – qui constitue de toute façon une demande l’Europe - doit intervenir de toute urgence, qu’elle soit liée ou non à la taxation des revenus locatifs réels. Une augmentation progressive dans la périphérie peut être liée à une réduction dégressive des impôts dans les centres. Un paramètre possible pour l’imposition est l’utilisation du sol par m² de bâtiment. Par conséquent, plus l’utilisation du sol est importante, plus l’imposition est élevée. De cette façon, l’utilisation économique de l’espace ouvert est récompensée au niveau fiscal. 

Les primes à la démolition et à la reconstruction ainsi que les primes à la rénovation énergétique ne peuvent être octroyées que dans des sites bien situés et à l’épreuve du temps, à proximité des centres des villes et des villages. Le raisonnement général qui sous-tend cette démarche est le suivant : on utilise le plus grand nombre possible de primes et de taxes comme leviers pour récompenser les transitions spatiales souhaitées et les choix de logement souhaités. En introduisant rapidement les récompenses et lentement les taxes dissuasives, la transition peut se faire d’une manière socialement responsable.

Dans ce cadre, les principaux avantages sont que les primes et les taxes constituent l’un des instruments les plus puissants pour inverser l’impact environnemental très élevé de notre politique actuelle en matière d’aménagement du territoire (mobilité, utilisation de l’espace, consommation d’énergie, etc.) et pour stimuler le comportement souhaité moyennant des récompenses.


[1] https://www.ruimtelijkeordening.be/NL/Diensten/Onderzoek/Studies/articleType/ArticleView/articleId/8954

[2] https://www.vvsg.be/Memorandum%202019/VVSG-Memorandum_2019.pdf

[3] https://www.ruimtevlaanderen.be/NL/Diensten/Onderzoek/Studies/articleType/ArticleView/articleId/9302

[4] https://www.ruimtevlaanderen.be/NL/Diensten/Onderzoek/Studies/articleType/ArticleView/articleId/9302